Une arrivée... à reculons?

-Danse avec lui-

_ Nous voilà arrivé Mademoiselle.

La jeune femme fixe les massifs bâtiments à travers la vitre du taxi. Voilà déjà on bon moment qu’ils longeaient des prés que les pupilles de la demoiselle ne cessaient d’engloutir du regard, tels les lieux qui dévalent sous les sabots d’un cheval…
Un claquement de portière, invitation discrète à faire de même. Sans attendre sa main s’active sur la poignée, et la voilà qui sort à son tour.
Le conducteur est déjà en train de sortir ses affaires du coffre et la jeune femme s’empresse de l’aider. Un remerciement, l’argent qui passe d’une main à l’autre, sans attendre le taxi repart dans l’autre sens laissant la jeune femme avec ses valises.

Deux pupilles brunes suivent pendant un temps la course de la voiture, avant que celles-ci ne viennent de nouveau se concentrer sur la vue qui s’offre à ses pieds. Le pâle soleil d’automne déverse mollement ses rayons blafards qui peinent à se refléter sur la cour de pierre. Une brise fraîche vient se nicher dans ses cheveux, faisant voler les mèches rebelle qui refusent de rester sagement coincé dans son élastique.
Son regard se détourne un instant pour venir se poser sur une enseigne…

« Haras du Clos »

Les secondes passent avant que l’attention de la jeune femme ne s’intéresse de nouveau à la vaste cour. Un semblant d’hésitation, comme si elle avait encore le choix. Son regard se pare subitement d’une vieille nostalgie. Ses prunelles ne fixent que le vide comme si elle apercevait à travers le néant l’ombre de quelque souvenir. Un hennissement dans le lointain vient briser avec délicatesse le silence qui se fait roi. Un frisson discret, mais non moins violent lui remonte l’échine. La mélancolie quitte subitement son regard qui se fait alors de marbre. Elle saisit avec détermination sa valise. Un second sac est chargé sur son épaule ainsi qui petite sacoche et la voilà qui se met en route.

Les roues de la grosse valise grincent sur la pierre de la cour. Pinçant des lèvres, la demoiselle s’empresse de la soulever par la poignée pour ne pas faire de bruit. Pas besoin d’annoncer son arrivé dans un tel brouhaha! Les muscles bandés, elle porte sans broncher son chargement. Arrivé devant la bâtisse qui semble, d’après elle, contenir les bureaux, la jeune femme, par quelques habiles mouvements de bras, arrive à sortir son portable de sa poche… 12h13... On ne l’attend pas avant 13h.
Fourrant de nouveau l’appareil dans la poche de son pantalon noir, la jeune femme décide de faire une petite visite en solitaire. Généralement ces heures là sont des heures creuses. Tous les cavaliers mangent et les bâtiments sont vides. Une occasion idéal pour un tête à tête serein avec les montures.
Analysant les alentours, elle trouve rapidement où sont situer les écuries. C’est sans attendre qu’elle s’y rend.

Le calme règne dans l’allée des écuries. Arrivé à hauteur du premier boxe, la jeune femme pose dans un souffle de soulagement les sacs qu’elle portent. Un nouveau soupire… Qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il grêle, elle a toujours chaud, c’est une vrai bouilloire sur patte. D’un coup de doigts elle desserre le foulard qui lui enserre le cou puis remonte sans attendre les manches de sa veste noir… pourtant elle ne prend pas la peine d’ôter ses gants de cuir - il ne faut pas chercher à comprendre.
La jeune femme prend alors le temps d’observer l’écurie qui s’étend devant elle: une rangée de boxe, parfaitement entretenus qui respirent le luxe et le confort, mais sans présomption aucune; une allée large et dégagée offre un passage lumineux entre les boxes. Une odeur de paille mêlé à celle du foin… Un silence à peine perturbé par le bruit de l’orge qui craque sous les dents des équidés. Une bouffée de sérénité mélangée à une certaine tension rempli les poumons de la demoiselle.

D’un pas lent et mesurée, elle avance dans l’allée laissant à son regard le soin de retenir et de s’habituer à chaque détail. Son œil n’a jamais été coutumier de temps de luxe et c’est à peine si elle ose avancer de peur de salir l’allée parfaitement balayée.

Les noms des chevaux défilent devant elle, et la jeune femme ne peut qu’admirer la prestance de ces athlètes.

Quesha de Florys… Quiaz… Petit Prince… Boycotte du Menhir…

Un cheval retient son attention. Selhfüyr Uccelo… Un nom pour le moins original, mais qu’elle trouve élégant. Elle s’avance dans le calme près du boxe pour observer l’animal. Une oreille bouge, signe qu’il la entendu arriver. La jeune femme ne dit pourtant rien, ni ne bouge, laissant le cheval manger tranquillement sans le déranger. Elle se contente seulement de l’admirer paisiblement.

Un pincement au cœur lui fait serrer les dents… La sensation de ne pas se sentir à sa place tout en ayant l’impression qu’elle ne pourrait pas être mieux ailleurs. Une envie de rester, une envie de partir. Pourtant c’est belle et bien là qu’elle travaillera durant un an tout au moins…

Les minutes passent et la tranquillité du cheval semble enfin elle-même l’apaiser…