▬ Box de Ruffian D'En Cazettes ▬

Le gris avait passé la nuit au pré, à l'abri d'un sycomore qui l'avait protégé des premiers froids. Ce matin-là, il se réveilla en pleine forme et de fort bonne humeur : il hennit fortement avant de s'ébrouer et de partir au grand galop, faisant le tour de son pré en lançant de joyeuses ruades. Il s'arrêta au bout d'environ un quart d'heure, quand un sifflement se fit entendre : un homme se tenait au centre de sa pâture, un licol à la main. Docile, le hongre s'en approcha et suivit l'humain jusqu'à l'écurie.

Ruffian tournait en rond dans son box, un tic nerveux qui lui était particulier. Il s'arrêta un instant et ronfla des naseaux, avant de reprendre son manège qui dura encore une bonne dizaine de minutes. Une jeune femme blonde arriva au niveau du box de Ruffian, qui s'arrêta net et alla jusqu'à la porte, oreilles pointées vers l'avant, curieux de cette nouvelle rencontre. Il souffla doucement et s'ébroua avant de s'écarter légèrement de la porte pour permettre à la jeune femme d'entrer dans son box si elle le souhaitait.

L a jeune femme sourit, déverrouilla le loquet du box et entrant en prononçant quelques mots que Ruffian ne comprit pas ; cependant, vu l'intonation qu'avait pris l'humaine pour lui parler, il semblait que ce n'était pas une critique. Quand la fille posa une main sur son chanfrein, il pointa les oreilles en avant et ronfla des naseaux. Le gris appuya son chanfrein contre l'épaule de l'humaine, en un signe d'amitié. Quand elle parla, il souffla doucement dans ses cheveux puis la suivit des yeux tandis qu'elle se dirigeait vers la sellerie. Elle partait, déjà ? Il hennit doucement quand il la vit revenir et la suivit tranquillement en dehors du box, ses sabots claquant comme le tonnerre sur les pavés de l'écurie. Elle l'attacha à un anneau juste à côté de son box et commença à chercher quelque chose dans son sac. Un éclair de malice traversa les yeux de Ruffian, qui de ses dents détacha le nœud du licol - il fallait avouer qu'il était très doué pour ce genre de pitreries - puis il s'avança aux côtés de la jeune femme, la poussa du bout du nez et mit la tête dans le sac, en quête de friandises. Puis il releva la tête et regarda l'humaine de ses grands yeux d'ébène, la gratifiant d'un regard innocent : on aurait dit qu'il souriait.

Ruffian ronfla des naseaux et lança un hennissement joyeux quand l'humaine rit. Elle posa une main sur la tête du gris et essaya d'attraper la longe. Ah non ! Le hongre avait envie de s'amuser un peu. Vif, il fit un brusque écart et s'arrêta à quelques mètres de l'humaine, malicieux. Puis il revint jusqu'à elle au petit trot et baissa la tête pour la laisser le rattacher. Elle fit un nœud plus serré, que Ruffian aurait pu défaire s'il avait voulu ; c'est d'ailleurs ce qu'il fit, mais il ne bougea pas de sa place. L'humaine s'attela à la tâche de le panser avec motivation, malgré que sa robe grise ne soie pas des plus propres. Au moins, elle ne bâclait pas son travail : une chose que le hongre appréciait. Puis elle changea de brosse, saisissant un bouchon. Une mouche se posa sur le nez de Ruffian, qui en arriva presque à loucher. Il secoua la tête et frappa le sol de l'antérieur. L'importune s'envola et le hongre tourna la tête vers l'humaine, innocent.