This is not the end, this is not the beginning | Libre =D

Date d'inscription : 03/10/2010

L’herbe ondoyait doucement sous l’effet du vent froid, et le pré tout entier semblait parcouru de frissons. Les rares silhouettes bipèdes encore dehors se pressaient, leur bras croisés serrés contre le torse. Il n’y avait qu’un cheval qui broutait joyeusement à l’extérieur comme si, emmitouflé dans sa couverture, le froid mordant ne pouvait l’atteindre. Il grappillait les derniers brins verts épargnés par l’hiver, profitant de ces grands espaces. Il ne le savait pas encore, mais c’était la dernière fois qu’il savourait l’herbe de son pré hollandais.

Une silhouette traversa la cour des écuries en trottinant. Un sifflement traversa l’air, porté par la bise. L’étalon releva la tête en mâchouillant, ses oreilles tentant de localiser l’origine du sifflement. Ce dernier se répéta, et le bai se dirigea au petit trot vers la barrière. Sa groom l’attendait là, un sourire timide aux lèvres, les yeux tristes. Elle tendit la main, et l’étalon croqua le bonbon avec délice.

Deux heures plus tard, il était fin prêt. Elle l’avait entière pansé, des sabots aux oreilles. Elle l’avait décrotté, brossé, décrotté, brossé, lustré, puis brossé à nouveau, jusqu’à ce sa robe marron chaud soit aussi soyeuse et douce que possible. Puis, elle lui avait dénoué crinière et queue, avait recoupé cette dernière à hauteur du boulet, puis l’avait tressée. Elle avait fait de même avec la crinière, l’avait dénouée soigneusement, peignée puis coupée, avant de lui faire des pions comme un jour de concours. Le bai ne comprenait pas : on l’habillait comme pour un concours, et sa groom, sa meilleure amie, pleurait à chaudes larmes. Pourquoi ?

Quand enfin il s’était révélé beau comme un dieu, elle lui avait enfilé protection de transport et couverture de voyage, puis l’avait détaché et l’avait amené dans la cour. Quelques employés s’étaient rassemblés pour une dernière caresse, mais aucune trace de son cavalier. Toute cette agitation, toutes ces mines tristes et cette nervosité ambiante commençaient à exciter l’étalon, qui se mit à bouger un peu, renâclant. Que se passait-il, pour l’amour du ciel.

« Tu vas me manquer, mon grand »

Il ne comprenait pas ce qu’elle lui disait, mais ses mots sonnaient comme un adieu. Le bai s’ébroua, mécontent. Elle le fit monter dans le camion puis, le visage ruisselant de larmes, lui donna un dernier bisou, avant de sortir du camion en sanglotant. L’étalon, surpris et perdu, hennit légèrement, mais la porte se referma. Le camion se mit en route peu après, le bruit du moteur ne couvrant même pas le hennissement du cheval hollandais. Les employés se détournèrent et retournèrent à leur tâches, et Van Allen, derrière sa fenêtre, baissa le regard.

* * *

La route avait été longue. Trop longue. Malgré le fait qu’ils se soient arrêtés plusieurs fois pour lui donner à boire, l’étalon s’énervait dans sa boite en métal au plancher incertain. Ça bougeait tout le temps, bon Dieu ! Enfin, le camion s’immobilisa, et le bruit du moteur rugissant s’éteignit. Arrivés ? La porte s’ouvrit, et la lumière éblouit le bai quelques secondes.

« Tout doux, voilà… »

La main qui se posa sur son encolure était rugueuse mais rassurante, et il ronfla doucement. Un homme le détacha en lui parlant gentiment, puis le fit descendre prudemment. L’étalon se figea et redressa la tête en voyant ce nouvel environnement inconnu. À nouveau, la grande main lui flatta l’encolure, et la voix grave de celui qui le tenait le rassura.

« Ça te plait ? »