Danse avec moi... [Jade A. & L

La petite baie se laissa harnacher sans opposition. Elle restait tranquille, regardant encore dehors. Elle ne regardait même pas ce que Jade faisait. Elle l’avait sentie partir mais la baie ne bougeait pas, tenant la longe, désormais plus dans l’anneau, entre ses lèvres, pour ne pas qu’elle traine par terre. Non, elle ne s’en irait pas. Elle était coutumière du fait, mais pas cette fois-ci. Un calme reposant était sur la Haras. Le silence occupait pas mal de place. Une brume légère plongeait le domaine dans une sorte d’univers complètement à l’écart du monde. Elle hennissait parfois tout doucement, comme si elle commentait ce qu’elle voyait à sa cavalière, occupée à lui poser des bandes de travail. Une statue de pierre n’aurait pas été aussi calme que la jument. Elle était de bonne humeur aujourd’hui et même si le plat ne l’enchantait que peu, elle se prêterait volontiers au jeu. Après tout, c’était pour faire connaissance et cela lui permettrait de retrouver un peu de souplesse et d’endurance. Qui sait.

Elle se laissa mettre le mors sans résister, ouvrant même la bouche pour faciliter le travail de la jeune femme. Elle la suivit docilement au dehors, sans rechigner, regardant partout. La brume de Novembre… L’air était frais mais pas assez pour qu’elle ne le ressente vraiment. Elle commença à avancer avant même que la blondinette n’est posé ses fesses sur la selle et se dirigea d’un pas actif vers la carrière de dressage. Elle n’y avait pas encore mis les pieds mais savait pertinemment où elle se trouvait. La porte était grande ouverte et il n’y avait personne dedans. Une bonne chose ? Sans doute. Elle posa les sabots avec délicatesse sur le sol de sable blanc, humide de la rosée matinale, mais encore souple. De suite, elle plongea le nez au sol, reniflant et étendant son dos, se secouant un peu de tous les côtés. Le réveil des muscles ! Il fallait bien. Enfin, elle releva la tête et considéra cet espace, vide d’obstacle coloré. C’était un peu fade. Mais elle s’y ferait. Elle le devait bien. Elle entendit les paroles de Jade et secoua la tête négativement. Pour le coup, elle avait compris. Non, elle resterait sage aujourd’hui. Mais juste aujourd’hui. Non, Kayla n’était pas une nerveuse. Une grande amatrice de saut et de sensations, mais pas une nerveuse. Ni une peureuse. Juste curieuse. Pas de craintes avec elle, elle ne sursauterait pas au premier pet de mouche. Il lui fallait bien un tracteur klaxonnant pour lui faire peur et la faire détaler. Elle avait déjà montré cela à son ancienne cavalière, s’interposant entre elle et la source d’un bruit inquiétant. Malgré qu’elle tremble de peur, elle n’avait pas bougée, protégeant la demoiselle qu’elle croyait bel et bien en danger. Elle marchait d’un pas vif, relevant peu à peu la tête, aérienne…

La baie réagissait très bien au poids du corps et aux aides de ses cavaliers. Elle avait été éduquée comme ça. Au départ, elle devait être acheté par une femme dont un bras manquait, d’où sa formation spéciale, il fallait que la jument réponde sans mains. Et finalement, c’était un jeune sportif ambitieux qui l’avait récupérer. Ils avaient passé de nombreuses années ensembles, travaillant et développant une complicité parfaite. Il en avait fait une championne de saut. Jusqu’à la blessure. Il lui arrivait encore de ressentir des douleurs, la faisant boiter pendant quelques temps. Mais personne ne pouvait rien y faire.

En attendant, notre Anglo évoluait avec grâce dans la carrière. Sa cavalière avait une bonne position et n’était pas très encombrante. Tant mieux. La jument marchait tranquillement, tête un peu plus relevée, mâchonnant son mors, en signe d’attention et de concentration.
Dès qu’elle sentit Jade changer de position, elle suivit le mouvement, tournant sans peine, s’incurvant naturellement dans la courbe. Elle se mit en place et prit un pas un peu plus actif. Les oreilles basses, à l’écoute. Elle tournait à la demande, dansant presque sur un parcours imaginaire, au rythme d’une musique silencieuse. Son ancien propriétaire faisait toujours du plat en musique, pour casse l’ennui, autant le sien que celui de la baie. Ainsi, elle gardait en tête les musiques passées en fonction de ce qu’elle faisait. Elle n’avait donc jamais le même air dans la tête, n’effectuant jamais les mêmes mouvements, mais suivait quand même, se calant à cette musique qui résonnait au plus profond de son être.

Un doublé encore et une ligne droite, vers A. La jument dressa une oreille et sentit Jade changer. Aussitôt, elle réagit et se stoppa avant A. Un arrêt carré, des plus parfait. Les quatre sabots bien alignés, le corps droit, l’encolure à peine arquer, juste ce qu’il fallait. Elle attendait l’ordre suivant. Jade aurait pu monter sans rênes et sans selle, cela aurait été pareil. Mais fallait il peut être un peu plus de confiance, de connaissance…

[non, c'est bon t'inquiète pas !]

La baie prit un trop léger, de travail. Elle tournait aisément, s’incurvant parfaitement mais en ayant un peu plus de mal à main gauche. Elle gardait le même trot, souple. La baie restait à l’écoute, tournant, toujours un air dans la tête. Le souffle régulier. Mais la patience n’était pas son fort. Malgré qu’elle soit compréhensive et calme, elle pouvait vite briser l’ennui d’elle-même, sans attendre l’accord de son cavalier. Cependant, le changement de main ne lui déplut pas, et elle s’exécuta sans broncher, étendant un peu ses foulées dans la diagonale. Elle refit les exercices demandé, mais avec une patiente feinte. Elle regardait plus souvent autour d’elle, dressait les oreilles et la tête de temps à autre.

La baie était plus pour l’action, le saut, le cross. Les balades également, qui réservaient souvent de belles surprises. Mais ce pouvait être aussi de formidables moments de complicités. Quoi de mieux qu’un galop sur la plage, à cru et n’ayant pour seul lien qu’une cordelette autour de l’encolure de sa monture, le tout, au couché du soleil ? Rien. Elle l’avait fait une fois, avec Charles -son ancien propriétaire- et ne rêvait que de recommencer. Le jeune cavalier s’était mis en colère contre un autre bipède et l’avait sortit de son box. Il avait sauté sur son dos et elle avait galopé, à l’aveuglette. Ils avaient atteins le summum de leur complicité. La jument était encore à la recherche de cela. Elle ne pourrait plus le retrouver avec Charles, qui avait retrouvé une monture, et cherchait désespérément. Cette complicité, cette entente avec un bipède lui manquait.

C’est avec un certain étonnement qu’elle sentit un changement de position. Les jambes se fermaient sur ses flancs. Elle ne prit pas garde et prit le galop d’un bond léger. Un petit galop rassemblé. Mais sur quelques foulées seulement, elle repassa au trot et l’allongea, soupirant, comme désolée de son incompréhension. Elle allongea franchement, se faisant aérienne quand même et restant stable dans son allure. Le souffle régulier. Elle était un peu plus concentrée…

Peut être trop, ou peut être pas assez, en est il qu’elle loupa une foulée et trébucha. Elle se rattrapa néanmoins, se relevant avec force sur son antérieur droit. Trop fort à vrai dire. Elle lâcha un hennissement étouffé et resta immobile, tremblante. Son genou droit la brulait. Elle avait du secoué un peu sa cavalière et en était désolée. Elle leva et posa doucement son antérieur, comme pour vérifier qu’il fonctionnait encore. Elle tourna une tête étrange vers sa cavalière, à la recherche de consolation et de pardon. Elle fit un pas hésitant, boitant très légèrement. Jade ne le savait pas encore, mais elle avait besoin d’une longue détente, pour bien chauffer ses articulations… Mais ce n’était pas bien grave, une fois la douleur passer, la jument repartirait sans encombres…

La baie apprécia le massage de la jeune femme et se laissa faire, confiante. La douleur disparue assez vite, en quelques pas. La petite Anglo-arabe regardait un peu partout autour d’elle, tête haute. Elle s’arrêta sagement aux ordres de Jade et attendit, calme. La douleur revenait de moins en moins, au fil du temps. Elle savait qu’elle en garderait toujours une trace, comme cette fine cicatrice sur son genou, signe d’une opération pas si lointaine que cela. Il y avait un an, jour pour jour, elle entrait en piste sous la selle de Charles, quelque part au nord du continent américain. Ils passaient les derniers. Ils étaient confiant, sûrs d’eux. Peut être trop. Ils avaient fait un parcours sans fautes, et en un temps recors. Ils entreraient dans la légende après ce concours. Mais quelque chose clochait. C’était trop beau. Par colère des Dieux, ou jalousie peut être, quelque chose l’avait déconcentrée. Un éclat dans la foule, un bruit sec. Elle avait détournée le regard pour voir ce que c’était. Juste une seconde. Mais quand vous faites ce genre de parcours, chaque seconde compte. Et celle là plus que toutes les autres. Elle ne perdait pas en vitesse et lorsque son regard se posa de nouveau sur les barres, elles étaient bien trop près. Elle s’élança comme elle put, mais tomba en plein milieu de l’oxer, entrainant son cavalier dans sa chute…

Les souvenirs l’assaillirent et elle fit un écart, croyant revoir au coin de l’œil cet éclat et entendre ce bruit. Mais il n’y avait rien. Elle était au Haras du clos, sous la selle de Jade, dans la carrière de dressage, en un froid matin d’automne. Elle soupira et baissa la tête en prenant le trot à la demande de la demoiselle. Elle sifflait et sans vraiment y prendre attention, la jument prit un trot léger et tournait au rythme de l’air entonné, tête un peu basse, pour s’étirer. Elle virevoltait au son de la musique, chassant parfois des hanches ou s’incurvant dans de courtes courbes. La musique et le dressage faisait souvent bon ménage et elle se prêtait volontiers à ce jeu là. Malgré que la jeune femme ne le demande pas, elle se plaça et entama une longue courbe sur laquelle elle s’incurva, posant les pieds en rythme. Suivit une diagonale qu’elle exécuta en crabe, parfaitement parallèle à la piste. De retour sur celle-ci, elle reprit un trot de travail, baissant de nouveau la tête et attendant les demandes de sa cavalière, après tout, elle n’avait peut être pas envie de travailler ainsi. La baie s’était laissé jouer quelques instants, pour oublier ses souvenirs, au moins pour quelques temps…

La jument secoua la tête aux caresses et aux paroles de Jade. Elle sentit les rênes se raccourcir et se plaça immédiatement, prenant un trot de travail. Le contact de Jade était léger, ce qui plaisait bien à la baie. Elle détestait les mains dures, ayant la bouche sensible. La jument exécuta le huit avec attention, s’incurvant sans problème. Ayant quand même un peu de mal avec le côté gauche. Elle n’était pas très souple de ce côté-là. Elle ne comprit cependant pas très bien la demande de Jade et fit un bel appuyé sur la longueur. L’esquisse, elle ne connaissait pas.

Elle effectua la diagonale avec application et avec la même concentration, elle effectua les exercices demandés. Avec une certaine difficulté encore, mais le résultat était tout à fait correct. Ces exercices lui rappelaient sa longue rééducation. Après la chute, elle avait été opérée par les meilleurs vétérinaires du pays. D’ordinaire calme, la baie s’était complètement transformée après cette opération. La cellule de réveil l’avait rendu folle. De plus, son cavalier la trainait dans tout le pays à la recherche des meilleurs vétérinaires et ostéopathes. Ces voyages la fatiguait et la rendait nerveuse. Elle devint vite réticente et renfrognée. Mais l’attention de son cavalier l’en sortit. Les voyages cessèrent et commença alors une lente rééducation. Il fallait la remuscler après quatre mois de non activité. Ainsi, elle commença le dressage, de façon intensive et elle n’aimait pas cela. Elle était une jument de CSO et le dressage n’était pas son fort. Mais la musique intégrée aux reprises l’enchantait. Durant six mois, elle fit du dressage, couplé à de la piscine et des séances en liberté. Du saut, beaucoup mais aussi de la course. Elle courait inlassablement, regagnant de l’endurance, au fil des séances. Et enfin, elle avait reprit le saut. Tout doucement. Mais son cavalier ne pouvait pas attendre son rétablissement complet. Il avait déjà une nouvelle monture de tête. C’est avec regret qu’il dû vendre Kayla. Il avait arrêté la compétition durant une année et avait perdu beaucoup d’argent. Il ne pouvait se permettre d’entretenir deux chevaux. Kayla était donc arrivé au Haras du clos. Elle avait retrouvé sa douceur mais gardait un goût amer. Elle se sentait quelque peu abandonnée. C’est pour cette raison qu’elle recherchait sans arrêt des caresses et de l’attention. Elle s’assurait seulement que quelqu’un tenait encore à elle.

Elle repassa au pas sans se presser et baissa tout de suite la tête, mettant le nez dans le sable fin. Elle souffla et provoqua un nuage de poussière. Fière de sa bêtise, elle releva vivement la tête et fit quelques pas de trot. Mais elle repassa au pas bien vite, rebaissant un peu la tête. Elle s’arrêta pour se gratter la tête contre sa jambe. Repartant doucement, regardant autour d’elle. Dès qu’on le lui permettait, elle était très distraite…

Dès l’instant où Kayla sentit les aides de sa cavalière, elle partit d’un bond au galop. Elle partait souvent vite et avait du mal à ralentir et rester dans un galop de travail correct. Mais elle cédait lorsqu’elle le voulait bien et ralentissait l’allure. En fait, en bonne jument de cso, elle prenait l’allure des concours, faisant abstraction de la discipline qu’elle travaillait. Dès le claquement de langue, elle releva vivement la tête et partit d’un bond puissant au moment où la jeune femme plaçait ses aides. Elle l’avait à peine effleurée, que la jument était déjà partie. Sur le bond pied, respectant ses leçons. La cavalière s’en trouva surprise main ne pesa pas sur la bouche de la jument, se qu’elle apprécia évidemment. Elle sentit les doigts de sa cavalière se resserrer et elle consentit à ralentir l’allure, non sans montrer un certain mécontentement, matérialisé par un petit grognement aigüe. Kayla galopait avec légèreté. Elle avait un galop fluide que ses cavaliers trouvaient souvent agréable, même si elle savait très bien être parfaitement inconfortable. Elle exécuta le cercle avec brio, s’incurvant légèrement. Elle ne voulait pas non plus en faire trop. Une flemmarde ? Un peu sur les bords…

Elle repassa au trot avec difficulté et garda un trot assez rapide bien que ses foulées ne soient pas très amples. Elle allongea d’elle-même son trot sur la diagonale, plus pour se détendre vraiment qu’autre chose. Ses foulées se firent plus amples, mais elle garda la même vitesse. Trop contente pour ralentir. Encore une fois, à peine Jade eut elle placée ses aides que la baie repartait de plus belle. Plus vite peut être. Elle mit un certain temps avant de ralentir. En fait, elle ne ralentit pas avant de faire le cercle. Sa cavalière lui avait réservé le même exercice qu’à l’autre main. Comme résignée, elle s’exécuta, faisant un peu plus d’effort pour s’incurvé correctement sur le cercle. Après cela, une belle longueur s’offrait à elle. Sans attendre quoi que se soit de sa cavalière, elle allongea son galop, le décomposant en quatre temps, bien distincts. Elle n’embarquait pas vraiment sa cavalière, même si cela y ressemblait, elle profitait simplement, avant qu’une véritable séance de dressage ne commence…

En effet, Kayla n’allait pas répondre. En fait, elle n’avait même pas compris un mot de ce que lui avait dit la jeune femme. Elle était restée au pas, regardant autour d’elle, dans une attitude détendu. Elle tournait et retournait dans la carrière, évitant la piste par jeu et tournant à angle droit lorsqu’elle la rencontrait. Passer le temps… Et puis, sa cavalière remonta sur ses rênes. Aussitôt, la baie, remise de sa galopade, se remit en place, se posant sur la main de sa cavalière et montant son dos. Elle prit un pas plus actif et engagé. Plus dynamique. Le travail allait commencer, c’est maintenant qu’il fallait rester concentré. Par habitude ou par jeu, la jument se mit à faire grincer son mors. Certain diront que c’est signe que votre cheval est concentré et attentif, d’autre qu’il est nerveux ; chez Kayla, c’était signe d’une grande réflexion et d’une mise en situation. Les oreilles en arrière, à l’écoute de sa cavalière, elle suivait à la lettre ses demandes.

Elle se rappela un exercice qu’elle avait fait avec Charles. Ce dernier lui avait bandé les yeux et lui avait fait répéter une reprise de dressage ainsi, en musique. Il voulait qu’elle se cale sur la musique et non sur ce qu’elle voyait. La confiance est de mise dans ses moments là. Et c’est dans un calme rare qu’elle avait effectué la reprise. Ils l’avaient fait et refait des dizaines de fois. Et un jour, il s’était aussi bandé les yeux. Les deux, désormais aveugle, avait effectué la reprise en musique sans fautes. C’était pour une démonstration. La confiance entre cavalier et monture. Une grande réussite. Il avait répété la même chose sur un parcours d’obstacle, mais n’avait pas tenté de se bander les yeux cette fois, jugeant cela trop dangereux pour la jument. Car si jamais elle coupait une courbe, le nombre de foulées changeait et c’était l’accident assuré…

La baie effectua la volte et garda la même position en marchant large. En grande habituée. Elle prit le trot sans rechigner et effectua la serpentine en s’incurvant naturellement. De nouveau Jade lui demanda une épaule en dedans, et Kayla s’effectua. En grande experte… ou en habituée. Certes, le dressage était rébarbatif mais souvent nécessaire. C’était aussi un bon moyen de muscler un cheval, de le garder souple et en bonne forme. Et c’était indispensable pour la petite Anglo baie…

La jument effectuait sans broncher. Elle était passé à un état un peu moins vif, presque somnolent mais en gardant une bonne cadence. Elle se laissait guidée, bercée par ses propres pas. Ainsi, elle ne faisait plus de bond aux changements d’allures, et partait directement à la bonne vitesse. Attentive tout de même. Elle étendit l’encolure à la demande de sa cavalière, restant au trot, sagement. Elle se détendait peu à peu et gardait en tête une mélodie entendue jadis. Le temps où elle faisait du dressage avec Charles lui paru bien loin à présent. Mais en réalité, cela ne faisait qu’une année. Ou un peu plus peut être. Peu lui importait en fait. Elle ne se rendit pas vraiment compte de ce qu’elle faisait, obéissant seulement aux aides de la jeune femme, se laissant guider, tranquille. Elle prit le galop en A, se mettant d’elle-même sur le bon pied. C’est vrai qu’elle avait été bien éduquée. Peut être trop bien d’ailleurs. Et son premier cavalier l’avait largement regretté. Que pouvez-vous faire contre une bête qui vous déteste et qui se sert de ce que vous avez mis tant de temps à lui apprendre pour vous éjecter de sa selle à la première occasion ?

Elle se rappelle encore une séance mythique de dressage avec ce dénommé Jules. C’était le fils de son éducateur. Son père avait tout appris à Kayla. Il n’était pas le propriétaire de la jument et devait en faire une parfaite jument de dressage que sa cavalière, aveugle, pourrait monter en toute sécurité. C’était juste avant qu’elle ne parte avec Charles. Elle avait été sélectionnée pour son caractère calme et posé. Et elle avait été parfaitement dressé, de façon à ce que toutes les figures de manège, tous les positions, démarches possible, lui soient naturelles. Qu’elle les effectue d’elle-même. Ce n’était pas forcément chose aisé de changer un cheval dans sa complète attitude et de lui ancré des gestes non naturels, de façon à ce qu’il les prenne comme tel. [Pas très français … x)]. Et son éducateur avait passé de longue heures à la travaillé. Et derrière, son fils, Jules, « testait ». Mais il avait la main dure et réprimandait sans cesse la baie si elle n’exécutait pas à la perfection ce qu’il exigeait. Une haine sourde naquit dans le cœur de la petite Anglo pour cet homme. Et un soir, alors qu’il la montait sous les yeux attentifs de son père, elle décida que c’en était assez. Le début de séance se fit sans heurts, jusqu’à ce qu’il entame une reprise de dressage. Elle ne fut pas violente, justement. Elle commença la reprise calmement, mais décida de faire SA reprise à elle, et non celle que voulait effectuer Jules. Ainsi, elle effectuait exagérément chaque pas, prenant toujours la direction opposée de celle qu’il demandait. Un pli un peu trop accentué devenait une pirouette, un arrêt trop demander devenait un reculer, les départs au galop étaient à faux et finalement, sous les rires de son éducateur, le dernier arrêt se transforma en une série cabré-cabriole-pirouette sous une cadence assez impressionnante. Jules finit par glisser de sa selle. Fière, la jument sortie d’elle-même de la carrière et retourna dans son box. Elle ne vit plus jamais les deux hommes. Elle partie directement le lendemain dans les écuries de Charles. Il avait observé son manège depuis les gradins et avait tellement aimé qu’il l’avait acheté sur le champ. Tant pis pour le programme auquel elle participait. Il avait fallu trouver un autre cheval à la cavalière aveugle. Mais du coup, à cause de cette séance, elle avait été jugée trop dangereuse pour cette femme… Ainsi, mieux valait ne pas se la mettre à dos. Elle n’avait pas été des plus méchantes avec Jules mais nombre de vétérinaires gardaient les cicatrices de son passage dans leur clinique…

Elle effectua l’épaule en dedans au galop avec aisance, se réveillant tout à coup, après ses souvenirs lointains. Elle était jeune à ce moment là. Après une longueur d’épaule au galop, elle releva l’encolure et accéléra le pas, stoppant l’exercice. Elle commençait à se lasser. Sur la longueur suivant, elle allongea le galop pour le ralentir dans le tournant, prenant bien le coin. Elle donna quelques à coups dans son mors, réclamant un peu plus de rênes, juste pour son confort personnel et aussi, pour embêter. Elle prit la diagonale, par jeu, restant bien droite, croisant les jambes et changeant de pied au vol avant de se remettre sur la piste. Elle attendit ensuite que Jade se décide. Cercle ou pas ? Elle lui laissait le choix. Enfin, façon de parler, si la jeune femme ne se décidait pas, elle poursuivrait large…