[Sheiton] Horizons |Libre|

Sheiton se réveilla aux premières lueurs de l'aube. Il s'ébroua et ouvrit habilement le loquet de la porte de son box avec ses dents. Il se dirigea en trottinant vers la carrière que son propriétaire avait aménagée, deux ans plus tôt, pour qu'ils puissent s'entrainer en vue des plus prestigieuses compétitions de reining. Malheureusement, l'étalon n'avait pas vu son cavalier depuis plus de trois mois, et ça commençait à faire long pour lui qui avait l'habitude de travailler tous les jours. Du coup, il avait commencé à s'entrainer seul en attendant le retour de son cavalier.
Sheiton entra dans la carrière et se mit à une extrémité de celle-ci. Il partit au galop, accéléra et exécuta un stop parfait. Il recula sur quelques mètres puis posa un genou au sol et guise de salut. Il partit à nouveau dans un galop rapide et cadencé et s'élança sur un grand cercle. Il se remit au petit galop et exécuta un petit cercle, changea de pied, repartit sur un petit cercle, accéléra l'allure, fit deux grands cercles et se rendit à une extrémité de la carrière. Il se mit au grand galop et stoppa. Ses postérieurs s'enfoncèrent dans le sable tandis qu'il continuait à trotter avec ses antérieurs. Il pivota, se rendit à nouveau à l'extrémité de la carrière et réexécuta un stop parfait. Il fit une révérence et secoua sa longue crinière blonde, fier de lui.
Puis il aperçut Daniel, le fils de son propriétaire, accoudé à la barrière, les larmes aux yeux. Il trottina vers lui et lui souffla dans les chevaux. Daniel leva la tête et caressa le chanfrein de l'étalon palomino avec douceur. Il lui passa le licol et l'emmena dans le van. *Un concours ?* se demanda, inquiet, Sheiton. *On ne s'est même pas préparés ensemble !*. Daniel arrangea son toupet et lui dit :
"Désolé, mon grand, je ne peux pas faire autrement ..."
Et il le monta dans la camion. Le trajet dura quatre interminables heures. Au bout d'un moment, le van quitta la route principale. Un peu plus tard, on abaissa la rampe du van et Daniel fit sortir Sheiton. L'étalon fut étonné en découvrant que certains bâtiments avaient été réduits en cendres. Un palefrenier prit la longe de Sheiton. Daniel lui donna une tape sur l'encolure et dit :
"Adieu, mon vieux."
Il remonta dans sa voiture et démarra. Sheiton comprit tout. Il venait d'être vendu et ne reverrait plus jamais ses maîtres. Jamais. Son hennissement de désespoir déchira le silence qui s'était installé. L'étalon se laissa emmener dans un pré, la tête basse. Il s'installa dans un coin de l'enclos et regarda une dernière fois la voiture qui disparaissait dans un tournant, emportant avec elle les derniers espoirs de revoir un jour son cavalier.

Sheiton lança un dernier regard désespéré vers l'endroit où avait disparu Daniel et hennit doucement. Il vit une humaine s'approcher. Plutôt grande, elle avait les cheveux bruns et les yeux bleus, mais surtout un air de douceur et de patience infinie. Elle sortit une pomme de sa poche et la tendit à l'étalon :
"Salut mon beau, ça va ?"
Sheiton gratta le sol du sabot et releva la tête. Dans ses yeux brillait une étincelle qui lui était spéciale : celle qui disait qu'il était prêt à écouter son cavalier, et qu'il lui faisait confiance. Mais quelque chose manquait, dans cette étincelle : la lueur d'amour qui y brillait quand il voyait son ancien cavalier. Il n'y avait plus qu'à espérer que son prochain cavalier réussirait à conquérir le cœur du palomino.
Sheiton s'avança vers Caroline et prit délicatement la pomme entre ses dents. Il la mâcha consciencieusement et s'avança à nouveau. Il souffla amicalement dans les cheveux de l'inconnue. Puis il recula. Il était amical, mais restait fier. Il avait fait un geste d'amitié envers l'inconnue, à elle de voir si elle lui rendait ou pas, mais lui ne ferait rien de plus.