••• Anything But Ordinary ; Saskia.

L’adolescente était tout simplement exténuée. Quasiment à bout de nerfs, la jeune femme fixa la route d’un œil vide, conduisant à une vitesse alarmante malgré son état de fatigue. Elle était arrivée en France très tard hier soir, et avait dormi dans un hôtel à environ deux heures de sa destination – à savoir, le fameux Haras du Clos, une Académie équestre réputée tenue par Serge Cruzot. Le trajet avait été, comme elle l’avait prévu, terriblement long et ennuyeux. Tout d’abord, elle avait du prendre un petit coucou qui l’avait mené de Calgary à Montréal. Elle avait passé les cent-vingt minutes qu’avait duré le voyage assise à côté d’une vieille femme somnolente – l’enfer même pour une solitaire comme elle. Fraîchement débarquée à la seconde plus grande ville du Canada, elle y avait emprunté un avion plus classieux en direction de Paris. La jouvencelle avait fini par arriver au beau milieu de la nuit après les six heures trente de voyage. Elle avait ensuite déniché ce fameux motel et y avait passé le reste de la soirée, avant de reprendre la route à neuf heures ce matin-là. Encore deux longues heures de route à bord de sa voiture – une BMW M3, qu’elle avait acheté sur un coup de tête, soit dit au passage – et elle arriverait à son nouveau chez-soi. Roulant plusieurs dizaines de kilomètres heures au-dessus de la vitesse autorisée, elle quitta l’autoroute tout en chantonnant sur le CD d’Aerosmith qu’elle écoutait. Encore cent-vingt minutes à tuer le temps. Soupirant, Neevah Carmichael descendit sa vitre, sortit une cigarette, l’alluma, et se mit à fumer paisiblement.

[…]

Il était aux alentours de onze heures et demie lorsque la brune débarqua dans la vaste cour pavée du Haras du Clos. Des bouchons à la sortie du périphérique l’avaient surprise et elle était restée bloquée pendant un certain temps, bouillant d’impatience. Enfin, elle arrivait. Cherchant du regard une place sur le parking bondé, elle examina furtivement les lieux du coin de l’œil. Un des grands défauts de Neevah : elle se fait bien trop facilement des idées sur les personnes qu’elle rencontre ou les lieux qu’elle est amenée à fréquenter. Cependant, en apercevant les alentours de la vaste propriété, elle eut immédiatement une opinion positive et se surprit à approuver son choix. Elle était prête à aller n’importe où, tant qu’elle quittait le ranch familial. Mais finalement, peut-être trouverait-elle le moyen de se plaire ici… Soit. Garant son véhicule sur une place laissée libre, elle remonta sa vitre et balaya la cour du regard à la recherche d’une quelconque personne pouvant l’aider. A priori, c’était le désert total. Tant pis. Indépendante comme elle était, Dakota trouverait bien vite une solution. Le secrétariat n’était pas si loin… Elle passerait s’y renseigner et ferait elle-même le tour de l’académie. Elle pouvait bien se passer des autres, après tout. Et cela valait mieux comme cela. Personne n’aurait à la supporter – et surtout vice versa. Ça arrangeait donc tout le monde. Poussant un petit soupir, elle ouvrit la portière de sa voiture et mit un pied dehors. Elle s’immobilisa, attendit encore un peu, puis descendit.

Une fois hors de son véhicule, elle s’immobilisa une fois de plus, afin de jauger les lieux. A priori, elle était toujours seule. Bien. La jeune femme verrouilla précautionneusement sa voiture, en grande paranoïaque qu’elle était, et fit quelques pas hésitants en avant. Devait-elle décharger ses valises immédiatement ou d’abord aller prendre des instructions à l’accueil ? Méditant silencieusement quelques instants, Neevah finit par décider de décharger ses bagages du coffre d’abord. Revenant donc sur ses pas, elle rouvrit l’automobile et se dirigea d’un pas décidé vers le coffre. Wow. Elle ne s’était pas rendue compte, sur le coup, de la quantité de bagages qu’elle avait amenée. En soupirant et maugréant contre sa propre petite personne, la jouvencelle entreprit de déposer la multitude de sacs et autres valises à ses pieds. Ses pieds auxquelles, d’ailleurs, elle portait des boots clouées. Hum, oui, la fille Carmichael avait en effet un look que l’on pourrait qualifier de « rock ». Un perfecto en cuir par-dessus une mini robe d’une couleur noire ainsi que des collants résilles et une foule de colliers à son cou venaient compléter sa tenue. Côté maquillage, elle en avait une fois de plus abusé, principalement au niveau de ses yeux. Elle avait en effet opté pour des yeux Smoky. Bref. Continuant à s’activer afin de décharger ses valises, la brunette ne remarqua pas immédiatement la présence de quelqu’un dans son dos. Quand ce fut le cas, elle se releva lentement pour toiser avec froideur la nouvelle venue. Ce n’est pas parce qu’elle arrivait dans un nouveau lieu qu’elle allait être plus aimable, après tout.

Neevah releva brusquement la tête, jusque là pleinement absorbée par la tâche qu’était décharger sa multitude de valises et divers bagages. Sentant une présence dans son dos, elle se releva prestement et pivota gracieusement en direction de la nouvelle venue – une grâce non voulue, cependant. Elle toisa la jeune femme fraîchement débarqué d’un air glacial, le visage impassible, ne laissant transparaître aucune émotion. Wow. Ce fut le mot qui aurait pu le mieux caractériser l’état de la jouvencelle – pensé avec froideur et sarcasme, bien entendu. Une blonde, des yeux bleus. Quelle originalité ! Faillit railler l’adolescente. Gardant cependant le silence, elle inspecta le style vestimentaire de son interlocutrice – un style simple tout en demeurant classe, puis s’autorisa un petit sourire narquois. Elle devait admettre que la blonde en face d’elle avait un certain chic, même si elle ne se serait pas aventurée à s’habiller de même. Ou si, peut-être, en personnalisant le tout. Un gilet semblable mais asymétrique, et le même short en jean avec de longues franges en plus. Des escarpins noirs à talons ainsi qu’un maxi-bag et une touche de maquillage une fois de plus démesurée seraient venus compléter sa tenue. Enfin, elle ne serait pas descendue aux écuries comme ça. Non, avec les chevaux, on n’est pas à un défilé de mode, on s’habille avec praticité, tout simplement. Bref. Toisant la jouvencelle en face d’elle – jouvencelle qui, soit dit au passage, on pourrait confondre avec une poupée – elle se détourna et continua son ouvrage quand celle-ci se mit à parler. Il y eut un grand blanc après les paroles de la Russe, avant que Neevah ne se décide à se relever pour se retourner lentement vers elle, un fin rictus sur le visage. Le ton aussi glacial que son regard bleu-vert, elle lança avec décontraction, transperçant la Poupée des yeux :

« Dans ce cas, fais-en de même, rétorqua-t-elle avec froideur. Et il faudrait que je me sente flattée parce que tu as daigné bouger tes petites fesses pour moi ? Mais c’est un honneur ! Sache cependant que tu n’y étais pas obligée. J’suis capable de me démerder, j’ai fais ça toute ma vie. »

Elle fixa du regard la Russe – non, elle l’incendie littéralement – qui s’approchait et caressait du bout des doigts la BMW M3 de la jouvencelle. Celle-ci ne la lâchait pas des yeux, prudente, méfiante aussi. Neevah, en tant que fille de Nicolas L. Carmichael, avait rapidement appris à ne faire confiance à personne si ce n’est elle-même. Ravalant la réplique salace qui lui brûlait la langue – après tout, elle n’était pas tout à fait sûre de pouvoir la retranscrire parfaitement en français – elle garda donc le silence et referma le coffre, ayant enfin fini de descendre de là tous ses bagages. Soupirant devant la quantité de choses qu’elle avait pu emporter, elle leva les yeux au ciel. Un ciel radieux, quasiment dépourvu de nuages, soit dit au passage. Reportant son attention sur son interlocutrice, Dakota de son deuxième prénom daigna lui accorder un minimum d’attention. Elle la regarda avec attention recracher des volutes de fumée entourant élégamment son visage d’ange avant de disparaître en direction des yeux. La Canadienne les suivit des yeux quelques instants, avant de rencontrer les prunelles bleues de la blonde qui s’était remise à parler. Wow, elle était bavarde, celle-là – tout le contraire de notre Rebelle qui, d’ordinaire, ne s’exprimait guère tout en parvenant à se faire aisément comprendre. Tentant de se concentrer sur les paroles de la Poupée, la fille Carmichael ne comprit cependant que quelques mots du court échange, totalement ailleurs. Ha, la nouvelle venue la complimentait sur sa voiture, d’après ce qu’elle avait pu comprendre. Elle inclina la tête sur le côté, sa façon de la remercier. Puis la blonde se présenta – une dénommée Saskia. Oui, c’était bel et bien une Russe. Neevah ne répondit que d’un mot, son prénom :

« Neevah. »

Elle n’ajouta pas un mot de plus. Je vous l’ais déjà dit, Neevah n’est pas du genre loquace, mais alors pas du tout. Le regard toujours dardé sur son interlocutrice, elle ne put s’empêcher d’être surprise – mais, comme d’ordinaire, masqua ce sentiment très facilement. Son visage demeura donc impassible, tant dis que son cerveau examinait la situation. La dénommée Saskia lui souriait – lui souriait vraiment. Wow ! En dehors d’Ethan et de son ancienne meilleure amie, Amy, jamais personne ne lui avais souris de cette façon. Intérieurement perturbée, elle faillit lancer une pique à la figure de la Russe, mais s’en empêcha une fois de plus, une petite voix dans sa tête lui intimant de garder le silence. Zut alors, qu’est ce qu’il lui arrivait ? Jamais elle n’aurait laissé passer de telles occasions avec d’autres personnes. Fronçant des sourcils, la brune détailla discrètement la seconde jeune femme. Il n’était visiblement pas dans sa nature de se conduire exactement comme cela – ce qui eut le mérite d’intriguer un peu plus notre jouvencelle. Elle se dérida, ses sourcils retrouvèrent leur position initiale pendant qu’elle réfléchissait. Oh. Saskia ne serait-elle pas en train de tenter de mettre la Rebelle dans sa poche ? Dans ce cas-là, cela risquait d’être dur. A moins que Dakota n’accepte de se prendre au jeu, ce qui semblait quelque peu inconcevable. Quoique…

[Je n'aime ton Rp ♥
Mais acheter Neevah comme ça risque d'être dur ^^]

Pardon du retard, je suis impardonnable.

Visiblement le comportement félin de la Poupée Russe ne prenait pas auprès de la jeune Carmichael. Tant pis ? Saskia n'allait pas non plus lui courir après, ce n'était vraiment pas son genre. Pour le moment, elle venait en paix, voyant en Neevah une alliée de choix, mais si c'était la guerre qu'elle voulait, elle l'aurait... Ainsi, malgré le ton glacial de la désormais dénommée Neevah, Blondie ne se découragea pas. En réalité, elle feintait de ne pas avoir relevé l'animosité dont faisait preuve la brune. Certes, la Lolita n'était guère plus âgée que la nouvelle, et pourtant, elle avait l'impression d'être plus mure, plus sure d'elle. En vérité, elle était persuadée que la jeune Carmichael cachait quelque chose, comme une blessure, un passé douteux ou quelque chose d'autre... Un défi pour la slave ? Sans aucun doute. C'est qu'elle était sournoise. La moindre faille, la moindre preuve de faiblesse ou ouverture sentimentale, Saskia s'y engouffrait, et avec exaltation en plus. Effectivement, Neevah constituait une personne intéressante, mais étais-ce simplement parce que la jeune Russe voyait en elle une partenaire ? Pas si sur ...

Continuant de passer - avec sa sensualité naturelle - l'une de ses mains sur les courbes de la carrosserie étincelante de la voiture. Animale, Blondie se lassa pourtant bien vite de cette activité, choisissant de s'appuyer dessus. Dans son regard, on pouvait lire une assurance sans faille, s'en était presque déstabilisant, et d'ailleurs, elle ne cillait pas, fixant Dakota. Blondie avala sa salive, l'air concentrée, laissant un curieux silence s'installer. Ce n'est qu'au bout d'un laps de temps - d'une taille raisonnable - qu'elle détourna le regard, allant des valise à Neevah. Et comme si elle sortait d'une certaine léthargie, sa voix Russe se fit entendre, sur un ton terriblement neutre alors même qu'elle lâchait sa cigarette demie consumée sur le sol .

« Ok. »

Une ou deux secondes se passa avant que la jeune femme ne fasse demi tour, se dirigeant sans un regard, mais avec toutefois un léger sourire mesquin adressé tout spécialement à la jeune femme. On ne jouait pas avec Saskia. C'était elle qui jouait. Sa démarche de félin la mena bien vite dans le hall du bâtiment principal, là où étaient chambre et intendance. Feintant de remonter dans sa chambre, discrètement, elle jeta un regard derrière son épaule, Neevah ne la regardait pas. Parfait. En quelques secondes, elle se retrouvait à chercher le dossier de la jeune femme dans le meuble prévu à cet effet. Frénétiquement, ses doigts fins s'activaient, et bientôt, elle eut le dossier en main. Tant qu'a faire, elle arracha le Post-It sur le tableau qui indiquait le numéro de chambre de la nouvelle venue. Sourire aux lèvres, la nymphette se releva, refermant tout avec un soin quasi méthodique. Dernier regard, et elle sortait l'air de rien par la porte de derrière, en direction de la terrasse, poussant même le vice à prendre une bouteille de limonade dans le frigo de la cuisine. Décidément non. On ne se moquait pas de Saskia.

Le soleil l'aveugla - la terrasse étant orientée plein Sud - et pourtant, elle s'assit d'un air nonchalant sur une chaise, posant la limonade sur la table. Ainsi, sans se presser, elle sortit son paquet de Lucky Strike, cigarette de Cow-Boy, et son paquet d'allumette, choisissant de s'en griller une. Voyons voir ce que cette Neevah avait dans le ventre. Ray Ban sur le nez, cigarette en main, et paille dans la bouche, la Lolita ouvrit le dossier bleu de la petite brune. Mal vu ? C'était le cadet de ses soucis. Curieuse ? Surement, mais la nouvelle venue ne l'intéressait pas assez pour ça. Provocation alors ? Sans aucun doute. Provoquer pour ne jamais être oubliée. Avalant les lignes, la lettre de motivation, et l'histoire de Neevah, elle était déterminée à faire réagir la jeune femme, ou du moins s'approprier ses problèmes et le fait qu'elle soit mal dans sa peau. Oui, sa gène face au sourire - soit disant - sincère de la Russe, n'était pas passé inaperçu aux yeux de Saskia. Le post-it dans la main, elle le roula machinalement en boule avant de le fourrer dans la poche de son short alors qu'elle tirait lascivement sur sa dose de nicotine.