Un vent d'émotions. ▬ Reyna & Chad.

19 AVRIL.
Comment résister au charmant appel, comme un murmure d'amour, des manèges hauts en couleurs et des alléchantes odeurs de friandises sucrées en tout genre ? On ne peut pas, tout simplement. Impossible. La jeune femme était restée un long moment à contempler les forains déballer toutes leurs affaires avec une attention fascinante. Son âme d'enfant prenait le contrôle, elle ne pouvait pas ne pas y aller. On ne peut pas rester de marbre face à de telles installations. Bien sûr, s'y rendre ne faisait pas tout alors Reyna avait cogité. Ce n'était pas marrant d'y aller seule, alors elle avait fini par épingler un mot sur le panneau d'affichage, invitant à ceux qui le voulaient de l'accompagner. Elle s'imaginait déjà échanger des anecdotes en sortant tous mouillés des bûches ou en haut de la grande roue. Ce n'était que des exemples, peut-être qu'ils ne feraient pas ça. A voir. Qui sait ce que cette journée leur réservait ? Pour être confortable dans n'importe quelle situation, Reyna avait délaissé ses tongs pour une paire de sandales décontractées mais qui tenait bien aux pieds quand même et avait remplacé ses éternelles jupes et robes par un short en jean et un top à bretelles un brin moulant. Ce n'était pas l'objectif premier de faire retourner la gente masculine mais ça serait un bonus. Disons que la jeune femme avait besoin de se sentir belle et désirée pour reprendre confiance en elle après sa mésaventure. Elle ne cherchait pas de remplaçant à son ex-fiancé, c'était trop tôt et sinon elle aurait privilégié un site de rencontres ou des sorties organisées près de chez elle. Elle voulait juste se sentir bien Reyna et elle n'avait de compte à rendre à personne sur sa manière de se fringuer. De toute façon, elle en avait vu des nanas bien plus provocantes. Deux pschitt de parfum plus tard, elle quittait son bus pour rejoindre l'entrée de la fête foraine, ou plutôt le stand de nourriture juste à côté où elle avait donné rendez-vous dans son annonce. Même si il y avait récemment eu des nouveaux dans leur groupe de road-tripeurs, elle connaissait la plupart des visages et ne se faisait pas de soucis. Ils se reconnaîtraient.

Et si personne ne répondait à son annonce ? Qu'elle restait plantée là comme une idiote pendant de longues minutes sans qu'aucun de ses compagnons ne daigne la rejoindre ? Jusqu'à présent, la jeune femme n'avait pas songé un seul instant à ce scénario mais maintenant il l'a terrifié. Elle n'avait aucune certitude, tout juste de l'espoir. Beaucoup d'espoir. Imaginez la désillusion, la chute si personne ne venait à sa rencontre. Elle ne parlerait probablement plus à ses compagnons pendant un ou deux jours, pour cause de frustration et de remise en question. Les rires naïfs des enfants ne parvinrent pas à chasser la pire des éventualités, au contraire ils ne faisaient que la renforcer. Alors que ses démons, encore une fois, menaçaient de la rattraper, de la plonger dans un état des plus pitoyable, enfin une silhouette se détacha calmement des autres. L'homme, comme un sauveur, prit les devants et lui épargna la lourde tâche de faire le premier pas. « Salut. C'est toi qui a posté l'annonce ? » Si aucune autre concernant la fête foraine n'avait été épinglé sur le panneau d'affichage alors oui, c'était bien elle. « Je m'appelle Reyna, je suis dans le rooster. » eut-il le droit comme réponse à sa question. Elle le reconnaissait un peu, vaguement, difficile de se souvenir précisément de tous les visages mais en tout cas il n'était pas dans son bus. En même temps, c'était pas bien compliqué de reconnaître qu'il lui disait quelque chose, elle était certaine de ne pas se tromper vu qu'il avait mentionné l'annonce. Hors, seuls les membres du road-trip pouvait voir le panneau. « Et euh... Salut ! » dit-elle gênée d'avoir oublié la politesse. Il venait tout juste de la rejoindre, elle n'allait quand même pas déjà tout gâcher. Son tic se manifesta, elle mordilla sa lèvre inférieure tout en suivant le regard de l'inconnu. Il devait avoir à peu près son âge à vu d'oeil. Chouette, enfin un. A condition de ne pas se tromper. Elle pourrait lui poser la question mais ça lui paraîtrait peut-être déplacé. « Une limonade, des pop-corn, et heu, tu veux quelque chose ? » Il avait raison, autant se concentrer sur des choses primordiales avant tout, comme leur estomac par exemple. « Je meurs de soif personnellement. » Maintenant qu'il en parlait, elle aussi. « Un ice-tea, merci. » Merci et pour la proposition et pour être venu aussi. Ce sourire charmant, ces cheveux mal peignés et cette démarche décontractée, elle semblait bien tombée.

Bien qu'ils ne soient qu'en Avril, un mois habituellement doux, le soleil faisait déjà des siennes et la jeune femme était bien contente d'avoir penser à étaler une fine couche de crème solaire à des endroits stratégiques de son corps, en somme tout ce qui n'était pas recouvert pas ses fringues. Vu la période de l'année, on pourrait trouver que c'était un poil exagéré comme prévention mais avec le réchauffement climatique, la fragilisation de la planète et tout, les rayons étaient de plus en plus dangereux pour la peau. En plus, depuis petite elle attrapait facilement des coups de soleil et elle n'avait pas spécialement envie de se transformer au fil de l'après midi en écrevisse sous le regard médusé – ou pas – de son compagnon de voyage. « Enchanté ! Chad du mungo. » Il a l'air content, de bonne humeur, tout ce qu'il faut pour passer un excellent moment. «  Je me disais bien que je t'avais pas encore croisé, je m'en serai souvenu. » Instant de bug. Est-ce qu'il venait bien de lui faire un compliment indirect ? Comme c'était mignon, elle décida de le prendre comme tel. « C'est flatteur. » rétorqua t-elle amusée et ravie. Monsieur est aussi gentleman puisqu'il lui paye sa boisson, lui propose de son pop-corn et lui laisse le choix par quoi commencer. Il est adorable. « Merci. » dit-elle entre deux gorgées. Reyna se laisse convaincre par une petite poignée de pop-corn, par gourmandise, et tout en la mâchant elle jette un rapide coup d'oeil aux attractions proches. « Je ferais bien un tour dans le grand huit et pourquoi pas dans le train fantôme aussi. T'inquiètes pas, si tu as peur je te laisserai t'accrocher à mon bras. » Blagueuse, elle ponctue le tout par un clin d'oeil discret, presque sensuel. Un peu d'humour n'a jamais fait de mal à personne. Faut rire un peu, faut profiter tant qu'on le peut encore. « En fait, tout me va tant qu'on ne voit pas le temps passé. Alors si tu as une préférence, hésites pas. » Elle veut pas faire sa chieuse, elle veut pas paraître trop compliquée, elle veut pas le faire fuir surtout. C'est pas que, mais elle en a marre de faire fuir les gens...

Petit à petit la jeune femme avait oublier ces petits plaisirs simplets de la vie qui font pourtant tout son charme, elle s'était doucement laissée entraîner dans une routine qui ne lui correspondait pas vraiment, et tout ça pour les beaux yeux d'un homme qui n'avait pas su le lui rendre. A moins que lui redonner sa liberté soit le seul vrai cadeau qu'il pouvait lui faire ? Étant donné ce qu'elle avait découvert, oui sûrement mais ça n'était certainement pas un acte de bonté de sa part. Elle avait fait tout pleins d'efforts pour rien. Maintenant il était temps de revivre, de ne plus se priver bêtement, personne ne méritait un tel sacrifice. Maintenant, elle vivrait. Et si ça devait passer par des légers flirts, pas des petites provocations, pas des moments de pavanage ou par n'importe quoi d'autre de puéril, bah elle y passerait avec le sourire. Parce qu'il ne fallait pas se mentir, Reyna avait prit grand soin de choisir des vêtements qui la mettaient en valeur. Ça faisait un peu adolescente de rechercher les regards et les compliments mais ça lui faisait un bien fou. Comme le compagnon de voyage qui avait répondu à son annonce était un homme, c'était encore mieux. Elle n'attendait rien de spécial mais son compliment valait tout l'or du monde sur le moment. Reyna est, si l'on peut dire ça, sous le charme. « Oh un grand huit ! ça doit faire des siècles que j'en ai pas fait. » Chad a l'air motivé par ce choix, tant mieux. « Et si c'est un fantasme, sache que je flippe pas dans ce genre de truc, désolé. » Un fantasme ? Elle avait dépassé ce stade là, non ? Oui ? Aucune idée. « En revanche je peux te prêter le mien si jamais t'es du genre, vertige ou en flippe sur les tas de ferraille vertigineux. » C'est adorable, voyons si ça ne deviendrait pas une habitude. Adorable mais vain, malheureusement. Si son choix s'est porté sur le grand huit, ce n'est pas pour faire sa mijaurée à son bras dans quelques minutes. « Je me demande lequel de nous deux fantasme, là. » Amusée, elle lui tire la langue oubliant un instant d'être mature. Pourquoi garder son sérieux dans une fête foraine ?

Elle veut quand même lui laisser le choix, ne pas l'obliger à la suivre au gré de ses envies mais soit il ne veut pas la contrarier, soit il partage des goûts communs avec elle en matière d'attractions et c'est tout à son honneur. « Le grand huit me va très bien. Puis on a toute la soirée, donc autant s'occuper ! » Il prévoyait de rester longtemps ? Un bon moment visiblement, chouette ! La jeune femme était tombée sur le partenaire de jeu idéal. « Tu penses qu'on aura le temps de toutes les faire ? » Elle le testait un petit peu, rien de bien méchant. Faut faire passer le temps dans la file d'attente, bien que pas très longue. Pour une fois. Reyna s'est d'ailleurs bien gardée de boire ou manger pendant l'attente, pour éviter le risque de surprise désagréable. Elle est prudente, fait attention, toujours un trop et elle ne peut s'empêcher de tester à son tour le système de sécurité. « Bon eh bien... Enjoy ! » Exactement, enjoy ! Son cœur s'accélère déjà dans la montée, elle sent l'adrénaline tout doucement montée en elle. « Je dois t'avouer que j'ai jamais eu confiance dans les grands puits en pièces détachées des fêtes foraines. » Sérieux ou pas ? Elle n'arrivait pas à le percevoir. C'est vrai que vu comme ça, le manège ne paraissait pas très rassurant. « Ma proposition tiens toujours, mon bras est à ta disposition. » réitère t-elle. « Je ne te jugerais pas. » trouva t-elle judicieux de rajouter. Elle peux comprendre, ça fait aussi un bail qu'elle n'est pas montée dans ce genre d'attraction et elle a beau se dire qu'à vingt-sept ans elle n'est pas vieille, ça lui fait quand même un chouïa bizarre.