Wherever we travel, we're never apart (libre)

23 avril 2017.

Discrètement, mon harmonica dans ma poche, je m'éloigne du reste du groupe pour profiter encore un peu plus de ce ciel étoilé qui s'offre à nous. L'animation et les rires me font beaucoup de bien, mais ces moments de solitude sont tout aussi précieux à mes yeux. La lune éclaire vivement le paysage, silencieux et paisible, alors que je m'asseois en tailleur dans l'herbe pour jouer la mélodie de Sara de Bob Dylan, sans retenue. Une petite brise fraîche vient m'effleurer les joues et je frissonne doucement, ne regrettant cependant pas d'avoir quitté le feu de camp pour profiter de ces quelques moments de calme. Il ne manquerait plus qu'une voix pour accompagner la douce mélodie de cette chanson qui me rappelle mon enfance. Les longues soirées près du feu, posé dans l'énorme canapé du salon, les pieds posés sur la table basse alors que ma mère me l'avait interdit à multiples reprises.

Je souris en me remémorant ces souvenirs, pris d'une certaine nostalgie. Ce road trip est l'aventure d'une vie et j'en profite pleinement, mais être éloigné de ma famille à ce point ne me réussit pas vraiment, ou en tout cas pas à toutes les heures de la journée. Le soir, la nostalgie m'envahit et je me remets à penser à mon enfance, à ma jumelle que je ne connais pas, à mes parents biologiques dont je serais incapable de reconnaître le visage. Et à chaque fois, lorsque le visage d'Alexis apparaît devant moi, ce sentiment s'évanouit et elle m'entraîne vers la joie et la bonne humeur de ces inconnus qui deviendront des amis au fil du temps. Envoûté par le son qui sort de mon instrument, je ne remarque pas la personne qui s'approche de moi et sursaute légèrement lorsqu'elle m'aborde, arrêtant de jouer par réflexe, rompant brusquement l'harmonie du moment.

Sa voix est douce, pourtant. Je ne sais pas pourquoi j'ai sursauté. Un manque de contacts sociaux dans la vie de tous les jours probablement, je n'ai même plus l'habitude qu'on vienne me parler. J'ai mes amis et basta, le reste du monde m'importe peu. Mais si je suis là, c'est justement pour y remédier. Parce que je ne peux pas continuer comme ça, je ne peux pas plonger dans mes livres sans en ressortir, me noyer dans le travail, évitant toutes les personnes qui pourraient potentiellement gâcher cette routine que je me suis construite. La routine, c'est pas bon, Alexis me l'a dit. J'en suis bien conscient, mais c'est tellement plus simple. Je sais sur qui je peux compter, je connais le nom des personnes qui seront toujours là pour moi, qui ne m'abandonneront pour rien au monde. Fais un effort, Jake. Je souris doucement, haussant brièvement les épaules lorsque la jeune femme s'excuse de m'avoir dérangé.

"Ne t'inquiète pas, c'est juste moi qui n'ai pas l'habitude qu'on vienne me parler", je réponds d'une voix douce, posant mon regard clair sur elle. Je la trouve terriblement jolie. Un peu déboussolé, je regarde mon harmonica, sans trop savoir quoi en faire. Elle m'a demandé de continuer, mais je ne sais plus quoi jouer. J'ai envie que ça lui plaise, mais aucune chanson qui accompagnerait parfaitement ce moment ne me vient à l'esprit. Je devrais peut-être lui dire quelque chose de plus. "Je t'en prie, assieds-toi", je lui lance donc dans un petit sourire, désignant l'herbe à côté de moi, avant de la regarder s'exécuter. A défaut de trouver la chanson parfaite, je porte mes lèvres à mon instrument et improvise une mélodie, les yeux posés sur les constellations tout autour de nous. Pendant plusieurs minutes, je fais sonner mon harmonica, sans pour autant ignorer la jeune femme à côté de moi. Je lui lance quelques regards en coin, de temps en temps, pour voir si ça lui plaît. Je n'arrive pas à le savoir. Je m'arrête donc, moins brusquement que la première fois. "Si tu as... des idées, des envies de chansons, n'hésite pas. Tu sais chanter ?", je lui demande, espérant secrètement qu'elle dise oui. Une bourrasque de vent vient m'ébouriffer les cheveux et je frissonne doucement, rapprochant mes jambes de mon corps pour tenter de me réchauffer un peu.